Le collectif Pour Que Vivent Nos Langues s’est adressé aux candidats et candidates à l’élection présidentielles 2022 pour leur demander d’exprimer leurs positions sur des points essentiels pour nos langues.
Aux candidats à la Présidence de la République
Depuis 2019, le collectif Pour que vivent nos langues regroupe la plupart des associations travaillant pour la promotion des langues régionales en France.
Cette coordination s’est mise en place pour faire face à un certain nombre de reculs récents dans l’enseignement de ces langues – notamment au travers de la réforme du lycée et du baccalauréat. Elle s’est alors mobilisée pour revendiquer un véritable statut pour des langues trop longtemps méprisées et victimes d’une transmission très insuffisante par l’enseignement, au point d’être en grand danger d’extinction. L’adoption à une très large majorité par l’Assemblée nationale et le Sénat de la loi relative à la protection patrimoniale des langues régionales et à leur promotion dite loi Molac en avril 2021 a représenté une avancée légale notable pour les langues régionales, mais sa censure partielle par le Conseil Constitutionnel a entraîné une crise que la circulaire publiée par le ministère de l’Éducation nationale en décembre 2021 ne résout pas. Ainsi, faute de volonté de l’État et de moyens ministériels spécifiques, la définition des moyens attribués à leur enseignement est-elle renvoyée à des négociations entre Régions et Rectorats et donc au bon – ou au mauvais – vouloir de ces derniers.
Si nos langues représentent un riche patrimoine, elles sont d’abord des langues vivantes, langues d’usage et langues de communication. À ce titre, elles doivent avoir toute leur place dans l’espace public, dans l’enseignement et les médias, et être véritablement prises en compte dans l’invention d’une culture ouverte assumant enfin la diversité de la République française dans toutes ses dimensions.
Vous vous présentez aux élections présidentielles, et nous ne doutons pas que votre projet intègre la définition d’une politique culturelle et éducative ambitieuse. C’est pourquoi, conformément aux aspirations de la population et aux principes internationaux et
européens sur la diversité culturelle, les droits humains fondamentaux et le développement durable, nous vous soumettons le questionnaire ci-après, afin de connaître vos positions sur la question des langues des différents territoires, sur leur place dans notre société, sur la politique que vous comptez mener en leur faveur ainsi que sur les moyens que vous comptez affecter à cette politique. Bref, sur leur avenir tel que vous l’envisagez.
1/ La censure partielle de la loi Molac en mai 2021 a montré que l’interprétation faite par le Conseil constitutionnel des articles 2 et 75-1 de la Constitution pouvait entraver le développement des langues régionales tel que souhaité par une grande partie de la
population et des élus.
Si vous êtes élu, proposerez-vous une révision de la Constitution en faveur des langues régionales ? Si oui, quelle(s) modification(s) proposerez-vous, et à quelle échéance ?
2/ Actuellement l’enseignement des langues régionales souffre de l’insuffisance de moyens dédiés, de l’oubli de ses spécificités lors des réformes successives, de la mise en concurrence de ces langues avec d’autres enseignements. Leur transmission est ainsi gravement compromise.
Si vous êtes élu, mettrez -vous en place un statut et des moyens spécifiques pour les langues régionales dans l’enseignement ?
3/ De manière générale, la préservation des langues régionales est tributaire de leur usage régulier et de leur réappropriation dans la vie publique. Des modalités spécifiques permettraient leur utilisation généralisée dans notre société avec le français, langue commune de la République, là où elles sont en usage, pouvant aller jusqu’à un statut de co-officialité dans les territoires qui le demanderaient.
Quelle est votre position par rapport à cette reconnaissance ? Si vous y êtes favorable, quelles mesures mettrez-vous en place pour y parvenir ?
4/L’ambition de l’Europe est d’être un territoire de paix, de respect de la diversité, de créativité et de droit commun comme le rappelle l’article 2 des traités européens.
En complément de la modification de la Constitution en France, ferez-vous ratifier, dans le respect des droits fondamentaux et sans clause interprétative, la Charte du Conseil de l’Europe sur les langues régionales ou minoritaires de 1992, signée par la France mais toujours pas ratifiée ?
5) Actuellement l’article 312-10 du Code de l’ éducation issu de la loi d’orientation de 2013 n’est pas respecté par les services du Ministère de l’Éducation nationale et ces mêmes services ne souhaitent pas la mise en œuvre de l’article 312-11-2 issu de la récente loi relative à la protection patrimoniale des langues régionales et à leur promotion qui stipule que « la langue régionale est une matière enseignée dans le cadre de l’horaire normal des écoles maternelles et élémentaires, des collèges et des lycées sur tout ou partie des territoires concernés, dans le but de proposer l’enseignement de la langue régionale à tous les élèves”.
Ferez-vous respecter ces deux articles de loi pour que l’enseignement de la langue régionale soit effectivement « favorisé » et « proposé » « à tous les élèves » dans les territoires concernés?
Ferez-vous en sorte, avec les moyens nécessaires, que tous les rectorats et régions concernés mettent en œuvre les conventions prévues par la loi pour le développement de cette offre généralisée ?
6) Le Ministère de la Culture a aussi un rôle indispensable pour l’avenir de nos langues et leur contribution à la richesse et à la diversité culturelle de la France. Mais actuellement faute d’un budget dédié suffisant ce rôle reste très limité.
Prendrez-vous les décisions nécessaires pour que les moyens financiers et humains en faveur des langues dites régionales soient augmentés afin qu’ils soient plus en rapport avec leurs besoins et les enjeux qu’elles représentent ?